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Cette fausse transition énergétique ?

Dans nos sociétés hautement dépendantes des énergies fossiles, la transition énergétique pose un réel défi. C’est un sujet au cœur des préoccupations des dirigeants occidentaux, qui s'inscrit dans une logique de transition écologique. Si l’humanité est en quête de changement, les efforts devraient logiquement être mondiaux, et non localisés sur une partie de la planète.

Du 18 au 27 avril dernier s’est tenu le salon auto de Shanghai en Chine, une immense foire automobile dans laquelle les constructeurs chinois mais pas seulement (des groupes comme Audi, Mercedes ou Nissan étaient sur place) présentent leurs nouveautés. Les millions de visiteurs ont eu l’occasion de voir ce à quoi allait ressembler le futur de la voiture. Celui-ci est, sans grande surprise, électrique, avec 8 de millions de véhicules de ce type achetés dans le monde en  2022, un bond de 68% par rapport à l’année 2021. Deux tiers des véhicules présentés à Auto Shanghai avaient cette motorisation. Les constructeurs chinois rivalisent désormais avec le constructeur américain Tesla. Tesla domine encore le secteur avec 18% des parts de marché en 2022, le constructeur chinois “Build Your Dream” (BYD) se classe 2e avec 13% devant un autre chinois : SAIC Motor (10%). BYD a vu ses ventes augmenter de 445% l’année dernière, alors même que le constructeur a cessé de produire des véhicules à moteur thermique. L'électrification de l’automobile n’est plus une perspective, c’est bel et bien une réalité.

Le modèle BYD Seal, prochainement sur le marché français. (Source : AFP)

 

 

 

 

L’assurance d’un monde plus responsable ?

Différents facteurs font que la voiture électrique a aujourd’hui autant de succès. Cela peut être dû à la promesse de déplacements plus propres, plus économes en énergie, ou bien des voitures maintenant plus faciles à entretenir, et même plus agréables à conduire. Les incitations des pouvoirs publics, comme peut le faire la France avec le bonus écologique de 5 000 euros, jouent également un rôle important. D’ailleurs, la voiture électrique n’est pas la seule à avoir la côte : c’est bien l’ensemble de la filière dite “verte” qui progresse. Que ce soit les éoliennes ou les panneaux solaires, ces technologies sont vues comme l’assurance d’un monde plus responsable. Elles remplacent progressivement le pétrole, charbon et gaz dans le mix énergétique de nombreux pays, notamment européens. Les solutions techniques pleines de promesses, qu’il s’agisse de parcs éoliens toujours plus grands ou de batteries plus performantes, semblent nous garantir un futur plutôt serein. C’est la solution au problème des émissions de gaz à effet de serre libérés dans notre atmosphère qui contribuent à réchauffer notre planète. Mais est-ce réellement le cas ? Pouvons-nous avoir une confiance aveugle dans ces technologies “propres” et laisser notre salut dépendre seulement d’innovations technologiques ? La réponse à cela, de toute évidence, se doit d’être prudente et nuancée.

Les métaux rares

Certes les énergies non-renouvelables disparaissent, mais celles-ci laissent la place à d’autres dont l’exploitation n'est pas sans conséquences : les métaux rares. Ces métaux entrent dans la composition des nouvelles technologies et de l’industrie de pointe. Au nom très souvent énigmatiques (germanium, béryllium, silicium, cobalt, etc), les métaux rares comportent une sous-catégories que sont les terres rares. Au nombre de 17, ces métaux sont, comme leur nom ne l’indique pas, très présents dans la couche terrestre. Cependant, il s’agit de minerais dispersés en très faible quantité, à l’inverse de certains métaux pour lesquels on retrouve des gisements massifs avec une forte concentration de métal (par exemple le cuivre et le fer). C’est précisément les terres rares qui sont utilisées dans la fabrication tant nos smartphones (environ 3 grammes de terres rares dans chaque appareil), que les éoliennes, panneaux photovoltaïques ou voitures électriques servant à réaliser cette transition énergétique.

Une extraction coûteuse pour l'environnement

Les terres rares, lorsqu’elles sont présentes dans les voitures en général (thermiques et électriques), améliorent la fiabilité et la performance, comme par exemple dans la direction ou le freinage. Comme dit précédemment, les terres rares ne sont pas présentes en grande quantité dans l’écorce terrestre. La teneur en terres rares des roches est généralement de 1%. C’est-à-dire que l’extraction de 10 kilogrammes de métaux nécessite d’extraire 1 tonne de roches. Il arrive cependant que cette teneur grimpe à 5 voire 8%, ce qui est considérable. Extraire les terres rares est coûteux pour l'environnement : les ressources considérables en eau et produits chimiques nécessaires lors des différentes phases du processus d’extraction, en particulier du raffinage,  sont le plus souvent rejetés dans les écosystèmes sans être traités. Le problème de la pollution ne se pose pas, en effet, lors de l’utilisation des ces technologies dans nos pays. En revanche, celui-ci est questionné lors du processus d’extraction des matières premières, et surtout des terres rares. La Chine en assure aujourd’hui l’essentiel de la production mondiale (environ 60%). Cependant, beaucoup d’Etats cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement face à la flambée croissante des prix et les quotas chinois qui tendent à baisser chaque année. Ainsi, on trouve des mines de terres rares en République Démocratique du Congo, Australie, Chili, Bolivie ou encore Indonésie.

Soutenabilité des énergies renouvelables ?

Le processus d’extraction est très coûteux au niveau environnemental. Après l’extraction du minerai à ciel ouvert et son broyage en poudre, l’extraction nécessite en moyenne une dizaine de phases de « raffinage », via le procédé le plus employé de « flottation » : la séparation des terres rares du minerai, par des procédés chimiques (acide sulfurique, nitrique, chlorhydrique, etc) et une grande consommation d’eau. Se pose donc la question assez paradoxale de la soutenabilité des énergies renouvelables : en moyenne, la purification d’une tonne de terres rares requiert 200 m3 d’eau. Une eau qui se charge en métaux lourds. Ajouté à cela, l’extraction des terres rares produit des déchets radioactifs dans des proportions qui nécessiteraient de les isoler pendant plusieurs centaines d’années, ce qui n’est évidemment que rarement fait. Pour ne citer que la Chine, les conséquences sur les populations environnant les mines sont importantes. En témoigne la région de Mongolie intérieure surnommée “la Silicon Valley des terres rares” avec le plus gros gisement au monde. Les rejets chimiques toxiques et radioactifs (thorium et uranium) dans l’air, l’eau et les sols autour sont nombreux. Les villages environnants la mine de Baotou ont des taux de cancer et de malformation à la naissance anormalement élevés (la mortalité par cancer y serait de 70%). Pire encore, la revue Géo rappelle que les villages près de la ville de Baotou ont une radioactivité mesurée à plus de 32 fois le niveau normal (elle était de 14 à Tchernobyl). Maintenant, si la Chine a, il est vrai, un certain nombre de réserves, elle est aussi essentiellement la seule à vouloir payer le coût environnemental et humain du traitement de ces métaux. Sans rentrer dans les détails, le projet d'exploitation des terres rares en Chine résulte d'une stratégie de long terme débutée dans les années 1980. La pensée de l’ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping résume très bien la vision du pays aujourd’hui : “Le Moyen-Orient a du pétrole, elle, la Chine, a des terres rares”. La demande mondiale croissante des ces métaux, une demande qui pousse beaucoup d’entreprises chinoises à baisser les coûts de production par tous les moyens possibles au détriment parfois de l’environnement ou de la santé humaine. La situation est sensiblement la même au Chili, en Bolivie, en Indonésie et dans tous les pays exploitants des terres rares.

Délocalisation de la pollution

En somme, la révolution des « Green tech » comporte une bonne part d’ombre : nous assistons finalement, en reprenant les mots du journaliste Guillaume Pitron, à une “délocalisation de la pollution” des pays aisés vers les pays les moins avancés. La transition énergétique engagée dans nos pays ne résout donc pas le problème des émissions de CO2, elle ne fait que le déplacer vers les pays pauvres. Ces pays-là payent un tribut environnemental et humain particulièrement lourd pour permettre à notre civilisation occidentale de passer au vert.Quant aux énergies propres ou recyclables à l’infini, elles confinent à l’aberration : il faudrait extraire plus de minerais que depuis de début de la Révolution industrielle, pour satisfaire l’ensemble des besoins mondiaux d’ici à 2050. Pour revenir sur la voiture électrique, il s’agirait aussi de prendre en compte l’origine de l’électricité des bornes rechargeables. Car même si la situation française diffère (avec le rôle prépondérant du nucléaire), de nombreux pays comme la Chine, les Etats-Unis ou l'Allemagne continuent avant tout de brûler du charbon ou du gaz pour obtenir de l’électricité. De même que l’hydrogène qui est présenté comme l’énergie du futur. Si cette énergie est conçue avec de l'électricité, elle-même provenant des énergies non-renouvelables, le problème n’est que déplacé.

Vivre à la manière des Occidentaux

Le but ici n’est pas de pointer du doigt une transition déjà à l'œuvre, mais plutôt que nous prenions conscience de ce qui n’est pas dit. On est dans une fausse transition, basée sur la consommation de ressources, là où il faudrait qu’elle soit basée sur la sobriété et la modération dans notre façon de consommer. Il faut donc prendre en compte toutes les étapes de la vie des technologies dites “renouvelables” avant d’affirmer que celles-ci sont “propres”. Sans aller jusqu’à évoquer cette notion de “décroissance”, il est sujet ici de la potentielle perte de notre confort matériel. Les Chinois, Indiens ou Africains souhaitent désormais vivre à la manière des Occidentaux (voitures individuelles, etc). Cela est pratiquement impossible : la pression écologique sur les ressources naturelles ne sera que monumentale.

Je pense néanmoins que, malgré ses défauts, la transition énergétique doit être réalisée. Le réchauffement climatique est le problème le plus pressant du moment. Cependant, les énergies vertes vont générer des tas de désordres environnementaux dans les décennies à venir.

Gabin Mellet, Tle

(Sources d’information  : sites « brgm.fr », « geo.fr », «eduterre.ens-lyon.fr », « calameo.com », « ecologie.gouv.fr », « geoimage.cnes.fr », « insu.cnrs.fr », « liberation.fr et « lemonde.fr »)

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S
Un article qui pose beaucoup de questions et demande une profonde remise en question de la façon de vivre de notre société. La remise en question individuelle ne suffit plus.
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