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Cinéma

Mustang, un vent de révolte

affiche du film (source : Ad Vitam, site « Allociné.fr »)

Le film franco-turc réalisé par Deniz Gamze Ergüven en 2015 frappe un grand coup en abordant des thèmes majeurs tels que la place des femmes dans la société turque ou encore les mentalités conservatrices ancrées dans le pays.

Mustang est le premier long métrage réalisé par Deniz Gamze Ergüven. Sorti en 2015, le film retrace l’adolescence de 5 sœurs turques élevées par leur grand mère et leur oncle. L’intrigue tourne autour du passage à l’âge adulte des jeunes filles et de toutes les complications qu’entraîne leur émancipation. En effet, face aux actes anticonformistes des adolescentes, leur oncle tente de prendre leur éducation en main et de les remettre dans ce qu’il considère comme le droit chemin. C’est ainsi que la maison familiale se transforme peu à peu en prison et que les mariages forcés s’enchaînent. On assiste à la répression de la jeunesse et de toute forme de modernité par les traditions et les mentalités conservatrices.

Les fortes personnalités qui caractérisent les sœurs confèrent au film une ambiance particulière où règnent fraîcheur, modernité, détermination, et insouciance. Le rythme soutenu du film renforce également la symbolique de cette révolte à travers laquelle la jeunesse prend le dessus sur les traditions.

Günes Nezihe Sensoy alias Lale (source : Ad Vitam, site « Allociné.fr »)

 

Une volonté de casser les tabous à travers des thèmes bien choisis

Les thèmes développés dans le film ont un réel impact sur le spectateur et sa perception du film. En effet, on peut lister plusieurs thèmes abordés par la réalisatrice qui n’hésite pas à mener la vie dure aux tabous. Tout d’abord, le thème de la place des femmes dans la société turque et celui des mentalités conservatrices qui persistent dans le pays, assurent au film un impact sur le plan politique et moral, que ce soit en Turquie, ou dans d’autres pays auxquels le long métrage offre un sujet de réflexion. Un autre thème grandement évoqué est celui de la sexualité et du rapport des femmes à leur corps. On assiste ainsi à de grande discussions sur le sujet entre les cinq jeunes filles qui tentent de comprendre et de s’approprier leur corps malgré les efforts déployé par la société pour les en empêcher.

Plan du film  (source : Ad Vitam, site « Allociné.fr »)

 

Une réalisatrice, un message

Deniz Gamze Ergüven, réalisatrice, scénariste, et actrice franco-turque, connaît un franc succès grâce à son film, Mustang. Pour cause, outre le caractère politique du message véhiculé par le film, sa réalisatrice donne à ce dernier une dimension personnelle qui légitimise son travail et ses engagements. En effet, née en Turquie, elle grandit entre Paris, Ankara ( sa ville natale ) et les États-Unis, s’imprégnant au passage des différentes cultures qu’elle rencontre. La diversité culturelle dans laquelle elle s’est ainsi épanouie lui permet d’avoir un regard critique sur les coutumes de chaque pays et de se forger sa propre opinion. C’est d’ailleurs de là que lui vient cette indignation devant le sort des femmes turques et son envie de changer les mentalités à travers son premier long métrage.

Comme l’explique la réalisatrice du film, la Turquie a octroyé le droit de vote aux femmes bien avant des pays comme la France, l’Espagne ou le Portugal par exemple. Pourtant, aujourd’hui, le pays assiste à la remontée en puissance du patriarcat. En effet, il existe un vrai paradoxe au sein des opinions sur la question des femmes en Turquie : on trouve d’un côté un réel engouement pour les idées progressistes et de l’autre des idéologies traditionnalistes et rétrogrades qui persistent. La cause de cette antinomie remonte à 2003 avec l’arrivée au pouvoir de l’AKP, parti politique ouvertement conservateur. Avant cette date et depuis 1982, un vent de modernité soufflait sur la Turquie et le mouvement féministe prenait de l’importance mais avec la mise en place de ce gouvernement, c’est le patriarcat qui reprend peu à peu le dessus. Sous prétexte de traditions et de légitimité religieuse le sexisme est ainsi banalisé et presque encouragé par l’Etat même. Dans ce contexte, la réalisatrice cherche à faire bouger les choses en montrant au public du monde entier ce que vivent les jeunes femmes à leur entrée dans le monde adulte lorsqu’elles naissent en Turquie. La réalisatrice dit avoir d’abord considéré Mustang comme un cheval de Troie lui permettant de faire entendre son avis critique sur la Turquie sans risquer la censure puis, comme elle l’explique : « les choses sont maintenant beaucoup plus claires : Mustang n'est pas un cheval de Troie, le film est clairement politique. ». C’est donc à la fois ouvertement et avec tact que Deniz Gamze Ergüven tente d’ouvrir les yeux à son public sur le condition des femmes turques.

 

Anecdote

L’un des moments clés du film se déroule lors d’un match de football dont l’accès est exclusivement réservé aux supporTRICES et aux enfants. La rencontre amicale a réellement eu lieu à Istanbul en 2011. L’accès en avait été interdit aux supporters masculins de plus de 12 ans en raison de débordements observés lors d’un précédent match. Cette sanction plutôt novatrice a été appliquée à la demande de la Fédération de Turquie de Football, faisant de la rencontre un événement historique. Bien que joué par des hommes, ce fut le premier match professionnel joué devant un public majoritairement féminin (composé de 41000 femmes et enfants). En France, une telle sanction aurait pu faire débat pour des questions de sexisme, de justesse, ou de parité, cependant, dans un pays comme la Turquie ou les femmes se voient de plus en plus opprimées, elle représente une vraie libération et un grand message d’espoir, à l’image de celui véhiculé par la film.

 

Un accueil attendu mais redouté

Le film franco-turc a été applaudi partout dans le monde et a rencontré un franc succès auprès du public français avec notamment sa nomination pour représenter la France (et non la Turquie qui n'a porté d’intérêt au film qu’après sa victoire française) aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger. Après son passage à Cannes, il reste au parcours du film une étape clé : sa sortie à Istanbul. Étape à la fois attendue et redoutée par la réalisatrice, elle représente pour cette dernière l’aboutissement de son projet. Istanbul tenant une grande place dans le film et se trouvant être une ville importante en Turquie, l’accueil fait au film sera révélateur du succès de la réalisatrice dans « la tâche » qu’elle s’était fixée. Heureusement pour la réalisatrice, la rencontre entre son film et le public turc s'est bien passée et a donné naissance à un vrai débat constructif autour de la place des femmes dans la société.

Je garde de ce film un agréable souvenir, il constitue un véritable vent de fraîcheur et d'espoir. Maintenant, à vous de vous faire votre avis, voici déjà la bande annonce : 

 

Azilis Delobre, 1ère Charles Péguy

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